Le Castor, le fanzine politique et poétique. Disponible depuis le mois de décembre, le Castor est avant tout culturel mais aussi féministe et engagé. Ce fanzine de 54 pages dessine les contours du renouveau de la presse LGBT en France. On a voulu en discuter avec Amélie Boutet aka Pam Méliee Sioux, à l’origine du projet. Entre militantisme, inclusivité et poésie, on rêve le temps d’une parenthèse de liberté.
Par Andrei Olariu

Hello, tout d’abord on se demandait, pourquoi « Le Castor » ?
C’est un clin d’œil à l’autrice Simone de Beauvoir. En anglais, « Beaver » (qui signifie castor en français) se prononce presque comme « Beauvoir ». De fait, René Maheu avait donné le surnom « Le Castor » à son amie Simone de Beauvoir en 1929. Jean-Paul Sartre avait ensuite repris et popularisé ce surnom. Simone de Beauvoir est une des pionnières du féminisme contemporain, et nous avions envie de lui rendre femmage.
Le nom du média s’explique aussi par le mode de vie des castors. Ils vivent en matriarcat. Ce sont des bâtisseurs. Or avec Le Castor Magazine, on estime que l’on construit des barrages à la désinformation !
Et puis, il y a une dernière insinuation. En argot anglo-canadien « Beaver » désigne le sexe féminin.
Dans notre société l’actualité est jetable. Comment vous est venue l’idée de ce magazine de poésie qu’on prend le temps de lire ?
La poésie est une culture qui ne répond à aucun impératif de production. Ce n’est pas un produit de consommation périssable. Faire de la poésie c’est « écrire au-delà du temps » comme le disait magnifiquement Lawrence Ferlinghetti. C’est l’éloge de la lenteur par excellence ! En lisant de la poésie, on a besoin de concentration et d’introspection pour saisir la saveur de chaque mot, les sensations des phrases, les allusions… Dans une époque de course contre la montre, il faut voir cette lecture lente et cette expérience poétique comme un acte de résistance.

Réaliser ce magazine de A à Z est-ce que c’est votre manière à vous de militer pour la communauté LGBT ?
Cela reflète effectivement notre volonté de faire de chaque numéro un acte social, artistique et politique. On place les lecteur·ice·s et les auteur·ice·s sur un même plan d’égalité, en proposant à toustes les artistes féministes et LGBT+ de s’investir dans les numéros lors de nos différents appels à contributions. L’absence de codes trop rigides permet aux femmes, aux personnes queer et à toutes les minorités de se lancer plus librement. Le résultat déborde d’énergie.
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Comment sélectionnez-vous les auteur·ice·s et illustrateur·ice·s qui participent à chaque numéro ?
Pour ce n°2 nous n’avons pas opéré de « sélection ». Il n’y a que deux artistes qui n’ont pas trouvé leur place dans la revue (mais qui ont été publié·e·s dans notre webzine, rubrique Poésie LGBT+) car nous n’avions plus assez de pages à leur consacrer et il fallait bien clore l’appel à contributions.
Lors des lancements des appels à participations, nous précisons aussi que nous donnons la priorité aux personnes psycho-neuro-atypiques, aux personnes trans et racisées, car ces luttes doivent avoir une place centrale dans nos choix et nos objectifs féministes.

Comme depuis 1 an il n’est plus possible de sortir, comment diffusez-vous votre numéro pour rencontrer vos lecteur·ice·s ?
Nous le distribuons exclusivement sur le web via notre boutique militante Etsy. Cette période est difficile pour des petits médias comme le nôtre qui comptent énormément sur les stands et les événements culturels pour aller à la rencontre d’un nouveau public. Il n’y a plus d’interactions en dehors des réseaux sociaux, et cela est compliqué de faire découvrir notre initiative à de nouvelles et nouveaux lecteur·ice·s.
Pensez-vous que dans l’offre de presse actuelle, toute notre communauté est représentée ?
Les médias généralistes ont encore beaucoup de travail à faire en termes de représentation et de justesse de représentation des LGBT+. Je pense tout particulièrement à leur traitement de la non-binarité et de la transidentité catastrophique (d’un point de vue hétérocentré dominant), qui contribue malheureusement à maintenir un ordre des genres.
Mais ces dernières années, des médias féministes et LGBT+ bénévoles ou professionnels ne cessent d’émerger, ce qui est encourageant. Les revues et les zines sont des laboratoires de créations et de discours politiques précieux, qui parlent de sujets invisibilisés ailleurs. Il faut plus que jamais se battre pour cette diversité, en faisant connaître ces supports qui donnent des mises en perspective et des points de vue que n’offrent pas les médias généralistes : des revues ou des webzines comme Les ourses à plumes, Sœurs, Jeanne Magazine, Well well well, Axelle Magazine, Censored, Friction, des podcasts comme La poudre, Les couilles sur la table, Cinq pour Cent, Ctrlx… Parce que plus les médias engagés se multiplieront et plus nos voix féministes et LGBT+ seront nombreuses, plus les médias de masse mainstream perdront de leur autorité.
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